Le déplacement forcé est un phénomène complexe qui peut être attribué à une multitude de causes profondes et de déclencheurs interdépendants. La crise humanitaire prolongée qui se déroule dans le bassin du lac Tchad a conduit à l’une des principales crises de déplacement forcé d’aujourd’hui. Depuis 2013, elle a déjà provoqué le déplacement de plus de 2,3 millions de personnes - à l'intérieur et à travers les frontières des États. L’insurrection de Boko Haram - l’une des causes les plus connues et les plus importantes - n’est pas le seul facteur responsable. Cette infographie du Secrétariat du Processus de Rabat vise à démêler les causes profondes et les déclencheurs complexes responsables des déplacements forcés dans le bassin du lac Tchad.


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Le rétrécissement du lac Tchad

Plus de 45 millions de personnes vivent dans le bassin du lac Tchad, qui couvre une partie du Nigéria, du Niger, du Tchad et du Cameroun. Leurs moyens de subsistance sont étroitement liés au lac Tchad, la principale source d’eau pour les pêcheurs, les agriculteurs et les bergers de la région. Tous sont touchés par le rétrécissement spectaculaire de la superficie du lac depuis les années 50, qui a intensifié la concurrence entre les communautés locales pour ce qui est des ressources. La disparition de 90% de la surface des eaux du lac, liée principalement à la surexploitation des ressources et au changement climatique, fournit le contexte à une multitude de défis supplémentaires et interconnectés auxquels la région est confrontée depuis des années.

Les causes profondes structurelles réduisent la résilience et les capacités d'adaptation

La région politiquement marginalisée est frappée par la pauvreté chronique, le taux de chômage élevé des jeunes et le manque généralisé de moyens de subsistance. Cela peut être attribué à une multitude de facteurs, notamment le manque d'investissements dans le développement économique et les infrastructures publiques, ainsi que la croissance démographique rapide. L’insécurité alimentaire grave, l’analphabétisme, le manque d’autonomisation des femmes et l’absence de soins de santé ne sont que quelques-unes des conséquences désastreuses.

L’infographie, développée par le secrétariat du Processus de Rabat, vise à identifier et à démêler ces causes profondes structurelles interconnectées, afin de faciliter une meilleure compréhension de la situation, malgré sa complexité.

Cinq grandes catégories de causes profondes structurelles préexistantes hautement interdépendantes ont été identifiées pour le bassin du lac Tchad:

  • Politique
  • Économique
  • Besoins fondamentaux et services
  • Démographique et sociale
  • Environnemental

L'infographie met en évidence des faits sélectionnés pour chacune de ces causes profondes structurelles, sans prétendre à l'exhaustivité.

Déclencheurs de déplacements forcés

Les causes profondes réduisent la résilience et les capacités d'adaptation de la population et préparent souvent le terrain à l'apparition de déclencheurs de déplacement. La zone déjà fragile et déstabilisée a été frappée par plus d'une crise de ce type ces dernières années. Ces soi-disant déclencheurs ou «pressions soudaines» ont provoqué des déplacements de masse.

L'infographie identifie trois principaux déclencheurs de déplacement forcé dans le bassin du lac Tchad:

  • L'insurrection de Boko Haram et les violations des droits de l'homme connexes, causant le déplacement des 92,9% des personnes,
  • Affrontements communautaires sur les ressources naturelles, causant le déplacement de 5,5% des personnes,
  • Catastrophes naturelles causant le déplacement de 1,5% des personnes (IOM 2016).

Causes profondes exacerbées

La relation complexe entre les causes profondes et les déclencheurs de déplacements forcés peut créer un cercle vicieux: les causes profondes structurelles préexistantes réduisent la résilience et les capacités de réaction de la population, la rendant particulièrement vulnérable à l’impact des crises soudaines, entraînant ainsi des déplacements. Une fois la crise immédiate terminée, les personnes déplacées et / ou de retour dans leur pays sont souvent confrontées à des conditions de vie encore plus difficiles, ce qui peut accroître le risque d'apparition ou de réapparition de nouveaux déclencheurs de déplacement. Sans s'attaquer aux causes structurelles des déplacements forcés, il est difficile de proposer des solutions durables.

Contexte stratégique: atteindre une compréhension commune

Le Secrétariat du Processus de Rabat a choisi la crise du lac Tchad comme objet de cette infographie, car c’est actuellement l’une des crises humanitaires les plus dramatiques de l’Afrique, qui affecte directement ou indirectement plusieurs pays partenaires du Processus de Rabat. En se concentrant sur les causes profondes du déplacement forcé, l’infographie complète les autres activités du dialogue, en faisant spécifiquement le point sur les causes profondes de la migration irrégulière. Une réunion thématique sur les causes profondes de la migration irrégulière, basée sur une étude approfondie sur le sujet, a eu lieu en octobre 2018.

Le Plan d’action conjoint de La Valette (2015) et le Plan d’action de Marrakech du Processus de Rabat (2018) considèrent tous deux qu’il est prioritaire de s’attaquer aux causes profondes du déplacement forcé et de la migration irrégulière. Ils constituent le cadre stratégique de cette infographie, qui vise à accroître la prise de conscience et à créer une compréhension commune des causes profondes du déplacement forcé qui sont en jeu dans cette crise humanitaire particulière.


Cette infographie a été élaborée par le secrétariat du Processus de Rabat à partir d'une recherche documentaire et de consultations d'experts. Le Secrétariat souhaite remercier les points focaux nationaux du Cameroun, du Niger, du Nigéria, du Tchad, ainsi que de la France et du Sénégal (coprésidents de la Réunion thématique sur les causes profondes de la migration irrégulière) pour leur contribution. En outre, le Secrétariat remercie la Commission européenne (CE), l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), la Commission Internationale Catholique pour les Migrations (CICM), le Secrétariat Régional pour les Migrations Mixtes (RMMS) et le Secrétariat de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD) et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) pour leur contribution.


Consultes les sources :

1. The United Nations High-Commissioner for Refugees (UNHCR) and The World Bank Group (2016): Forced displacement by the Boko Haram Conflict in the Lake Chad region.

2. Lake Chad Basin Commission and Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit - GIZ (2016): Report on the state of the Lake Chad Basin ecosystem.

3. United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs - UN OCHA (2018): Lake Chad Basin: Crisis overview (26 March 2018).

4. International Organization for Migration - IOM (2016): Within and beyond borders: Tracking displacement in the Lake Chad Basin. Regional displacement and human mobility analysis. Displacement tracking matrix.

5. Plan International (2018): Lake Chad crisis: Millions remain in desperate need of aid. Press release, 2 March 2018.

6. Food and Agriculture Organization of the United Nations - FAO (2017): Lake Chad Basin. Situation report, July 2017.
7. World Food Programme - WFP (2016): Lake Chad Basin. Socio-economic analysis of the Lake Chad Basin region, with focus on regional environmental factors, armed conflict, gender and food security issues.

8. Humanitarian Practice Network (2017): The Lake Chad crisis: drivers, responses and ways forward. Toby Lanzer, October 2017.

9. United Nations Population Fund - UNFPA (2017): From crisis to development around Lake Chad. Strategy for an integrated, holistic and sustainable response.

10. United Nations Security Council (2017): Report of the Secretary-General on the situation in the Lake Chad Basin region, 7 September 2017.

11. International Centre for Migration Policy Development - ICMPD (2017): Central African Republic at a Crossroads – Socio-economic Development Implications of Crisis-induced Returns to Cameroon and Chad and Libya - An Unending Crisis: Responses of Migrants, States and Organisations to the 2011 Libya Crisis.

12. UNESCO Institute for Statistics (2012): Adult literacy rate. World Bank Data Catalog.

13. UN Inter-agency Group for Child Mortality Estimation (2013): Infant mortality rates. World Bank Data Catalog.

14. Internal Displacement Monitoring Centre - IDMC (2018): Unsettlement: Urban displacement in the 21st century.

All links last accessed in October 2018.