Mme. Barbara Delcourt, le Point Focal National Belge pour le Processus de Rabat, a parlé avec nous de la vision stratégique de la Belgique (qui en a la présidence) et son rôle spécial au sein du nouveau programme de coopération multi-annuel. Pour la Belgique, présider le dialogue implique non seulement de présider les réunions du Comité de Pilotage mais aussi de présider le dialogue à travers le processus de réflexion et d’élaboration. Dès début 2018, ce nouveau programme remplacera le programme actuel de Rome et sera adopté à la prochaine conférence ministérielle du Processus de Rabat.

1. Comment la Belgique, en tant que nouvelle Présidente, contribuera au succès du dialogue?

Le Processus de Rabat est, depuis sa création en 2006, caractérisé par un esprit d’équilibre et de partenariat entre pays Européens et Africains. La Belgique a à cœur de maintenir cette spécificité qui est propre au Processus de Rabat. Cet esprit d’équilibre se reflète dans la composition du Comité de Pilotage – comprenant un nombre égal de membres Africains et Européens – et le choix d’organiser des réunions de haut niveau de manière alternative en Europe et en Afrique.

“A mon avis, c’est l’esprit du partenariat qui permettra la mise en œuvre de politiques globales et d’initiatives qui apporteront des résultats durables pour la mobilité humaine internationale.”

Cet état d’esprit devrait cependant être approfondi – notamment sur l’aspect de la communication. Il est important que tous les partenaires se sentent libres de s’exprimer sans tabou, et puissent exprimer leurs points de vue de manière ouverte et franche avec les autres partenaires, favorisant ainsi une compréhension mutuelle des défis actuels et à venir de la migration. De plus, plusieurs pays partenaires font en même temps office de pays d’origine, de transit et de destination : leur expérience peut vraiment contribuer au succès du partenariat s’étant établi au cours des années. A mon avis, c’est l’esprit du partenariat qui permettra la mise en œuvre de politiques globales et d’initiatives qui apporteront des résultats durables pour la mobilité humaine internationale.  

L’agenda global des migrations est particulièrement chargé pour les années 2017-2018 et chaque partenaire est appelé à participer à une multitude de forums et consultations. Ayant la fonction de Présidence, nous chercherons à encourager un dialogue franc et ouvert entre les participants et assurer qu’il y ait une répartition équitable des charges de travail parmi les partenaires.

2. Comment la Belgique fera-t-elle pour assurer une approche équilibrée et inclusive impliquant tous les partenaires ? 

Prenons pour exemple la rédaction du nouveau programme multi-annuel. Nous avons proposé à l’organisation du « Comité de Rédaction » comprenant un nombre égal de partenaires européens et africains de commencer à réfléchir à la direction que devrait prendre le nouveau programme. 

De plus, fidèle à notre tradition de consensus et consultations, il est également important pour la Belgique d’inclure d’autres acteurs importants concernés par les problématiques migratoires, tels que les experts de la société civile européenne et africaine ou des organisations internationales spécialisées. C’est pourquoi nous avons proposé au Secrétariat du Processus de Rabat d’associer ces acteurs plus étroitement aux réflexions du dialogue en organisant deux séries de consultations informelles, l’une en Europe en avril 2017 et l’autre en Afrique en juillet 2017 à travers une consultation plus large. Ces deux consultations nous ont permis de recueillir les observations d’organisations de la société civile africaines et européennes, d’experts académiques, de membres de la diaspora et d’organisations internationales clés basés en Afrique et en Europe, ce qui aide à stimuler.

“Je pense que le lien entre migration et développement est spécifique au Processus de Rabat et qu’il sera une forte composante du nouveau programme.”

3. Vous attendez-vous à d’autres amendements pour le programme de coopération multi-annuel?

Oui, le nouveau programme inclura certainement de nouveaux aspects comparé au Programme de Rome. Il est important de se rappeler qu’à l’origine, en 2006, le Processus de Rabat était une plateforme pour la coopération politique entre les pays concernés par les routes migratoires qui relient l’Afrique Centrale, de l’Ouest et du Nord à l’Europe. Depuis sa création, ce dialogue promeut le développement de politiques migratoires, et plus particulièrement les synergies entre migration et développement. Je pense que le lien entre migration et développement est une des spécificités du Processus de Rabat et que le nouveau programme gardera à cet égard une composante forte. De nos jours, et toutes les études le démontrent, l’impact positif des migrations pour le développement tant des pays d’origine, de transit et de destination doit être maximisé.

Par ailleurs, il est évident que le contexte global des migrations a évolué depuis l’adoption du Programme de Rome en 2014 et que le nouveau programme du Processus de Rabat devra tenir compte des nouvelles réalités sur le terrain et des nouveaux cadres et instruments internationaux adoptés depuis lors, comme le Sommet de la Valette de 2015 et le Plan d’Action Conjoint de La Valette (PACV), ou la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants adoptée par les Nations-Unies en Septembre 2016. 

4. Comment le Processus de Rabat fait-il pour assurer une complémentarité entre ces nouveaux cadres et instruments internationaux et le futur programme de coopération multi-annuelle du dialogue? 

Ce qui nous paraît important est de se concentrer sur quelques priorités opérationnelles ; d’être concret et de démontrer qu’une bonne compréhension des questions migratoires par les pays d’origine, de transit et de destination peut mener à des résultats positifs et de réels progrès sociaux et économiques, dans le respect total des droits humains et de la dignité.

Le Plan d’Action de la Valette pour la période 2016-2018, par exemple, est très vaste et assez ambitieux. Il couvre de nombreuses initiatives et projets et cible une région plus large que celle couverte par le Processus de Rabat. La Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants de 2016 et l’adoption attendue fin 2018 de deux « Global Compacts » représente également un point tournant important. En termes de gouvernance globale et de mouvements migratoires, le Processus de Rabat doit s’assurer de ne pas dupliquer cela, et le nouveau Plan d’Action du Processus de Rabat se limitera à un nombre restreint de priorités et d’objectifs concrets à atteindre, tout en restant dans la lignée des engagements pris à La Valette.

5. Quelles sont les principales priorités thématiques de la Belgique pour le nouveau programme de coopération multi-annuel ?

Pour la Belgique, un certain nombre de thématiques transversales sont prioritaires : les droits de l’homme, qui s’appliquent à tout être humain, quel que soit son statut ; la prise en compte du genre ; le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et l’importance de la collecte de données, qui, en matière de gestion des migrations et d’élaboration de politiques migratoires, reste une problématique laborieuse.

De plus, la Belgique a suggéré de renforcer trois dimensions dans le futur programme du Processus de Rabat, notamment les dimensions opérationnelles, régionales et de communication.

En sélectionnant un nombre restreint de priorités, le Processus de Rabat peut apporter une réelle valeur ajoutée aux côtés des cadres et instruments déjà existants. De plus, il peut fournir un espace unique de dialogue politique entre les Européens et les Africains et servir nos gouvernements en ce qui concerne les accords et les partenariats bilatéraux/multilatéraux.

Concernant le caractère régional, le Processus de Rabat va renforcer les coopérations politiques et techniques au sein des sous-régions. En effet, chaque région est affectée différemment par les déplacements humains et requiert des réponses spécifiquement adaptées. Nous espérons encourager l’échange de bonnes pratiques et le renforcement de partenariats entre les sous-régions en Afrique avec la participation et le soutien des partenaires européens.  

Enfin, la communication sera améliorée par le biais d’une meilleure diffusion de l’information en ce qui concerne les activités du Processus de Rabat et de la migration elle-même. Dans un monde et une Europe marqués par la montée des nationalistes, des discours populistes et par l’isolationnisme, il est désormais temps de promouvoir un discours alternatif, qui souligne l’impact positif de la mobilité humaine internationale. Les avantages d’une migration sûre, ordonnée et légale pour les pays d’origine, de transit et de destination doivent être mieux soulignés. Il est également nécessaire, si nous voulons promouvoir une migration de ce type, que la coopération internationale soit améliorée en termes de réadmission et de retour.