Nous avons échangé avec Luis Gouveia, Coordinateur Senior du Projet d’appui MMD, au sujet du développement du nouveau programme de coopération pluriannuel du Processus de Rabat qui sera adopté lors de la Conférence Ministérielle Euro-Africaine sur la Migration et le Développement en 2018.

1. Le processus de réflexion et de consultation initié dans le cadre de l’élaboration du nouveau programme de coopération pluriannuel du Processus de Rabat bat son plein. De quelle manière le Secrétariat a-t-il soutenu ce processus? 

Il s’agit d’une activité clé pour le Secrétariat. Le développement d’un nouveau programme nécessite en effet plusieurs étapes: le processus de consultation vise dans un premier temps à recueillir les différents points de vue et opinions sur ce que devraient être les priorités du nouveau programme. Deuxièmement, il faut transformer ces derniers en un plan d’action concret et préparer un premier plan. Cette année, le Secrétariat, conjointement avec la Belgique qui assure actuellement la présidence du dialogue, a décidé d’élargir le processus de consultation. En plus des partenaires officiels du dialogue, nous avons également échangé avec d’autres acteurs tels que les organisations de la société civile, les représentants du monde académique et les organisations internationales, afin d’obtenir des recommandations prenant en compte leurs points de vues et expériences en rapport avec la migration et le développement. 

De quelle manière avons-nous procédé ? Nous avons d’abord sélectionné des acteurs possédant une expertise thématique clé et les avons invités à participer à une série de tables rondes ici à Bruxelles. Les recommandations et observations obtenues à l’issue de ces tables rondes ont ensuite été inclues dans les premières ébauches du nouveau programme pour le dialogue.  Nous avons par la suite organisé une seconde consultation avec des acteurs extérieurs lors d’un atelier de travail en Afrique. Nous espérons que  ceci nous permettra de développer des actions concrètes pour le nouveau programme. 

Le Secrétariat a appuyé ce processus de plusieurs manières: en plus de fournir un soutien logistique,  il a effectué des recherches sur les initiatives existantes, développé des agendas et des questions directrices, contacté des organisations de la société civile et des chercheurs, et a produit des documents finaux. Le Secrétariat a par exemple analysé les conclusions des précédents Comité de Pilotages, Réunions des Fonctionnaires de Haut Niveau et Réunions thématiques, afin de développer les cinq documents qui ont servi de base à la série de comités de rédaction organisés à Bruxelles durant le mois de juillet.

2. Comment va faire le Secrétariat pour s’assurer que le cadre stratégique du Processus de Rabat reste flexible afin de s’adapter aux priorités émergeantes et changements?

Le processus d’élaboration du nouveau programme pluriannuel ne s’est pas fait en vase clos : le Secrétariat, la Présidence du dialogue ainsi que leurs partenaires sont conscients du besoin de se maintenir informés des changements dans le contexte global, et d’assurer que le Processus de Rabat soit en ligne avec ceux-ci. Nous avons en effet pris des mesures afin que notre nouveau cadre stratégique soit adapté, et qu’il soit en mesure de tenir compte des nouvelles réalités. Nous avons suivi avec attention la mise en œuvre du Plan d’Action Conjoint de La Valette ainsi que les négociations préalables à l’adoption du Pacte Mondial pour des Migrations Sûres, Ordonnées et Régulières, et avons pris en compte ces différents cadres et processus au cours de l’élaboration de notre propre programme. Le programme pour le dialogue 2018-2020 n’inclura d’ailleurs plus 4 piliers, comme c’est le cas de l’actuel Programme de Rome, mais 5 piliers,  en cohérence avec le cadre de La Valette. Le Programme comprendra par conséquent des activités additionnelles telles que des initiatives visant à garantir un retour, une réadmission et une réintégration effective, tout en assurant que les besoins des partenaires africains et européens du dialogue soient correctement pris en compte.

3. En termes d’orientation thématique, vous attendez-vous à des nouveautés majeures dans le nouveau programme de coopération ?

L’une des nouveautés sera l’inclusion dans le nouveau Programme du Processus de Rabat de plusieurs thèmes transversaux, c’est-à-dire des priorités qui recoupent tous nos domaines d’action. Un exemple est le besoin de sensibiliser davantage sur la dimension positive de la migration, y compris le potentiel de la migration pour le développement dans les pays d’origine et les bénéfices de la migration professionnelle. Des activités seront mises en place (à travers l’engagement avec les médias ou par des campagnes de sensibilisation destinées au public) afin d’assurer que les contributions positives des migrants soient correctement représentées et reconnues, contribuant ainsi à un discours plus équilibré sur la migration, les migrants et la diaspora. Les partenaires du Processus de Rabat seront également encouragés, dans le cadre du nouveau programme, à assurer que toutes les mesures et actions mises en œuvre tendent à promouvoir la réalisation et le respect des droits de l’homme et du traitement humain des migrants indépendamment de leur statut migratoire.

Comme mentionné auparavant, nous avons organisé des tables rondes très productives à Bruxelles, à l’issue desquelles le Secrétariat a développé un document consolidé contenant les messages et recommandations clés pour les partenaires du dialogue, et dont certains ont été intégrés dans l’ébauche de programme. Plusieurs acteurs ont par exemple insisté sur le besoin, pour le Programme 2018-2020 du Processus de Rabat, de prendre mieux en compte la dimension intra-africaine du dialogue. Par exemple, lorsque nous pensons aux transferts de fonds, nous envisageons généralement l’argent que les migrants basés en Europe envoient dans leurs régions d’origine en Afrique. Cependant, c’est à l’intérieur de l’Afrique que se trouvent en fait les canaux de transferts de fonds les plus importants (par exemple entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire), et nous devrions œuvrer à assurer que les coûts de ces transferts de fonds soient réduits. Cette dimension intra-africaine s’applique également aux étudiants et chercheurs qui non seulement désirent se déplacer entre l’Afrique et l’Europe, mais également à l’intérieur de l’Afrique. Les programmes et projets soutenant ce type de mobilité devraient donc être encouragés et appuyés par les partenaires du Processus de Rabat, et des efforts supplémentaires devraient être fournis afin d’assurer l’harmonisation des standards dans l’éducation supérieure.

Un autre point ayant émergé lors des tables rondes, et qui sera intégré à notre nouveau programme, est l’importance d’investir dans la jeunesse africaine comme agent du changement. Une autre leçon tirée de ces activités fut que les différences de causes et de conséquences dans les phénomènes de traite des êtres humains et de trafic des migrants requièrent deux ensembles de réponses techniques, afin de lutter correctement contre ces phénomènes distincts et de fournir un soutien adéquat et utile aux victimes. 

 Luis Gouveia – Coordinateur principal Senior 

Dialogue Afrique-UE sur la migration et la mobilité MMD